La cérémonie de la mise à l’eau s’est faite dans les pures traditions de la marine. Le Commandant du port en grand apparat est venu vérifier la conformité du canot et sa capacité à la navigation. Après une inspection minutieuse, il a donné l’autorisation de prendre la mer et a souhaité bon vent à son capitaine. C’est dans un joyeux tintamarre que notre bel esquif a quitté le rivage. « Bon vent la Frétoise, porte haut notre pavillon ! »
Que les dieux de la mer pardonnent nos médisances, car finalement elle flotte notre baleinière et elle a fière allure.
Mais pour tout vous dire, la chose ne fut pas si facile que ça. Il y a eu un léger manque de synchronisme dans le ballet des avirons, certains pointaient vers le ciel, d’autre plongeaient dans l’abîme, et leurs propriétaires avaient toutes les peines du monde à les empêcher de couler. Il y a eu aussi les cris de douleurs ou de désespoir d’un jeune matelot qui n’a toujours pas compris comment il s’était retrouvé sur les genoux du rameur de l’autre bord. Par expérience, je sais pourquoi. Un aviron pèse une tonne et moi qui ne suis ni bien grand, ni bien lourd, pendant toute la durée de ma prestation, j’ai eu l’impression d’être en lévitation permanente, suspendu au bout de ma rame. On a également observé que les dames avaient une légère tendance à se lancer dans un tricotage sophistiqué avec les avirons de leurs voisins. Le chef barreur est resté olympien bien qu’un peu surpris au départ par le comportement de son équipage. J’ai bien reconnu les qualités du marin face au déchaînement des éléments. Imperturbable, il donnait la cadence à son équipage qui avait une fâcheuse tendance à tourner en rond. Jacky tu as été terrible sur ce coup là.
Mais maintenant loin de nous cette image du coléoptère affolé, les avirons vont en rythme dans des mouvements efficaces et gracieux.